Les objets scolaires (qui sont des objets à enseigner) sont des objets à interroger par les élèves. C’est ici qu’apparaît le phénomène didactique de secondarisation.
Secondariser, c’est pousser plus avant les élèves, les conduire à ne pas rester aux traits de surface de la tâche scolaire (relier des segments, calculer, remplir des trous...) mais à adopter une finalité supérieure, une intelligence supérieure de la tâche scolaire grâce à une décontextualisation de l’objet de savoir. Il faut amener les écoliers à sortir de leur conjoncturalité les objets scolaires (cf. les genres littéraires de Backtine) afin que ces mêmes objets travaillées dans les classes deviennent des objets d’interrogation, tout simplement des objets sur lesquels exercer une pensée.
L’élève doit penser l’objet de savoir qu’il traite, hors du contexte des opérations qu’il a produit dessus, qui ne sont que des passerelles pour l’appréhender, pour le saisir dans sa dimension immatérielle.
Penser l’objet conduit alors à le faire transiter de sa fonction naturelle d’usage à une dimension d’objet. Et c’est l’objet qui doit être compris et assimilé. Ainsi, il ne s’agit pas d’effectuer des divisions pour les divisions ou une version latine pour une version latine, ou encore une segmentation de phrase pour une segmentation de phrase. L’enjeu est ailleurs : il est épistémique. Dans un cas, il touche des aspects par exemple de partage des quantités, dans l’autre, d’analyse de fonctionnement de la langue. La version latine ne s’arrête pas à l’histoire de Jules César mais vise les compétences d’analyse de la phrase et de transposition. Derrière la tâche scolaire, il y a nécessairement un acte de pensée sur l’objet enseigné. Seule condition pour qu’il devienne un objet appris. Or, cette condition n’est pas automatique ; c’est une attente la plupart du temps implicite chez les enseignants. Nullement un comportement avéré chez beaucoup d’élève (cf. Bautier & Goigoux).
C’est ici que peut intervenir le journal des apprentissages : un instrument pour conduire tous les élèves à penser les objets de savoir, un outil pour le maître afin de s’en assurer. Le Journal des Apprentissages peut s’intégrer dans la journée de classe ou dans l’après-journée d’aide personnalisée.
Le Journal des Apprentissages est un instrument personnel pour l’élève. Il répond à un certain nombre de questions qui sont des jalons. Il n’est pas un document à évaluer par l’enseignant, mais un outil de prises d’information. Ces informations sont des leviers pour l’enseignant afin de relancer ou remanier un apprentissage dans la journée de classe. Ou un moyen de s’informer pour les soirées d’aides personnalisées sur la cognition d’un élève : ses capacités, ses difficultés, les malentendus face à un objet à apprendre. Pousser l’élève à penser l’objet enseigné par une mise en mots aussi imparfaite soit-elle est une opportunité pour comprendre la pensée de l’élève en mouvement, son processus d’apprentissage et du coup opérer la mise en place d’un dispositif de remédiation personnalisée.
Pour résumer, il convient de faire en sorte que les élèves exercent des activités de pensée sur les objets scolaires qu’ils doivent manipuler. C’est faire transiter l’objet scolaire en objet d’interrogation pour qu’il devienne un objet de savoir appris. Le journal des apprentissages peut être le véhicule de cette transition.